Jade Gomes

Textes, Camille Ferrand / Musiques, Jade Gomes

Tu ne seras jamais assez déterminée pour cesser de parler leur langage est une pièce de théâtre d'Alice Cerf.

Un travail d'écriture magistral sur la question des dominations masculines à travers l'histoire. La pièce convoque une quirielle de personnages joué.es par 9 comédiennes. Le point de départ de cette narration est une mise en abîme d'une mise en scène de viol au théâtre.

Une pièce en 10 tableaux, 6 chansons pour voix, percussions et violoncelle,

INTENTIONS:

L’écriture de cette pièce est née de ma lecture du livre « Caliban et la sorcière » de Sylvia Federici. L’autrice y décrit comment l’Etat et L’Eglise par la chasse aux sorcières prennent le contrôle du corps des femmes en les rendant dépendantes du corps médical : plus de guérisseuse, plus de sagefemmes, plus de contrôle des naissances. Les corps des femmes sont indexés à la reproduction. Eloignées socialement, disséquées par des scientifiques qui leur refusent toute pensée, les femmes sont avilies. Cette « Renaissance » masculine est une mort des libertés des femmes et inscrit profondément, dans les écrits et dans les chairs, le cadre actuel de la domination patriarcale. En partant à la recherche de l’Histoire de la dépossession du corps des femmes, mon histoire m’est revenue par vagues. Cette appropriation systémique du corps de l’Autre résonnait en moi en même temps que le mouvement #metoo me bousculait. Quelque chose se passait à l’endroit où nait la culture du viol. Quelque chose que j’avais vécu. J’ai été confrontée à la Justice d’aujourd’hui qui ressemblait curieusement aux Tribunaux de l’inquisition. Il y avait tout : l’inversion de culpabilité, les victimes qu’on n’écoute jamais vraiment, dont on minimise ou invisibilise la parole, les violences sexuelles socialement admises. Ecrire l’histoire des opprimées, c’est les intégrer au monde, les représenter, pour qu’elles ne s’effacent pas. Il a été difficile d’écrire des dialogues entre femmes parce qu’on a très peu l’habitude ou l’occasion d’y assister. Ça a été possible grâce à des résidences en mixité choisie sans hommes cisgenres : je voyais des femmes se parler entre elles comme jamais elles ne parlent quand il y a des hommes. Pour se défaire d’un langage où le point de vue masculin est dit neutre il a fallu détricoter la construction sociale des rapports de genre, questionner les normes, confronter des valeurs. Des rencontres, des lectures d’autrices, le temps : tout cela a sédimenté en une fiction de correspondances entre l’Histoire collective et nos histoires individuelles. Cette pièce s’est construite avec des chants et n’aurait pas abouti sans les compositions musicales de Jade Gomes. Ces chansons sont partie intégrante de la création. Elles sont des chœurs qui libèrent les voix et disent fort notre commun. Nous le partageons aujourd’hui avec des personnes que j’ai réunies et qui m’ont accompagnées chacune à leur manière. Elles tissent avec ce texte des liens qui rendent fort.e.s et lèvent le voile sur nos silences et nos hontes millénaires et contemporaines.

Camille Ferrand

Le travail d’écriture musicale s’est construit autour de la question du texte et de la voix. J’ai essayé de faire en sorte que les sons viennent soutenir et colorer les textes de Camille Ferrand et non l’inverse. Elle me parlait des mots importants de ses chansons, de ses intentions et je m’imaginais les personnages, leurs caractères, leurs émotions et leur façon de parler pour pouvoir écrire les mélodies. Ces mélodies, je les ai écrites dans une forme d’attraction-répulsion pour mes référentes classiques. En ce sens, elles peuvent paraître étrangement familières l’espace d’un instant. Nous avons travaillé en binôme l’écriture des musiques et chaque chanson s’est élaborée dans un aller-retour avec l’autrice, mots et musiques se sont ainsi arrangés dans une relation de capillarité.

Nous nous sommes laissées la liberté de travailler des musiques avec des références très différentes, de sons et d’époques, tout comme la pièce croise plusieurs temporalités. Je suis allée chercher des idées dans le chant grégorien, la musique baroque, le rap ou encore la musique électronique. J’ai tenté de transmettre dans ce travail l’intérêt que je porte à l’histoire de la musique et mes modestes connaissances de l’évolution de son écriture. Nous avons beaucoup écouté de musique, nous avons beaucoup parlé des artistes que nous écoutions pendant l’écriture de la pièce, de ces chanteuses que nous admirons. Finalement, la voix est le fil conducteur de ce travail et trace un trait commun à toutes les chansons.

Jade Gomes

La pièce se monte en work in progress et rencontre des formes différentes au fur et à mesure de ses lectures. 

Un projet produit par La Navire Collective

et soutenu par La Parole Errante Demain, La DRAC Bourgogne/Franche-comté et Culture Action

Les lieux qui ont accueilli les lectures:

Les 26000 Couverts (Dijon)

Le Collectif 7’ (Dijon)

La Méandre (Châlon-sur-Saône)

Les Endimanchés (Venarey-les-Laumes, 21100)

La Parole Errante (Montreuil)

Le Planning Familial (19)

La Direction Régionale au Droit Des Femmes (23). 

à propos de la Navire:

"La Navire Collective est fondée en 2022 par des dramaturges, compositrices, chanteuses, régisseuses, musiciennes, comédien·ne·s, metteuses-en-scène, marionnettistes, cinéastes, éclairagistes, costumières, dessinatrices, productrices, architectes, navigatrices, bergères, féministes, militant·e·s, rassemblé·e·s autour du texte « Tu ne seras jamais trop déterminée pour cesser de parler leur langage » de Camille Ferrand (Alice Cerf). La première lecture qu’elle met en scène, a lieu à La Parole Errante, à Montreuil (93) en janvier 2022, impulsée par la chanteuse lyrique Jade Gomes qui compose la partition musicale de la pièce. Le texte traite de la culture du viol et de la dépossession du corps des personnes assigné·e·s femmes.

Suite aux quatre lectures données en 2022 nous avons décidés de créer cette Collective, notamment, car nous savons que ce texte peut être un levier de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et les discriminations de genre. Certaines d’entre nous sont à l’origine du mouvement #metootheatre (tribune), co-autrices du livre éponyme, publié chez Libertalia en 2022, et d’autres sont engagées dans le mouvement HF pour l’égalité femmes-hommes dans les arts et la culture.

Navire Collective est une tentative de réparer par la création, un lien au théâtre qui nous a été ôté, d’ouvrir les portes des théâtres qui nous ont été fermées parce que nous étions assigné·e·s femmes et que nous ne voulions pas nous soumettre. C’est pourquoi la collective s’organise en mixité choisie sans hommes cisgenre*.

“Toute organisation d'un groupe dominé oblige les dominants à réfléchir à leur statut et à le remettre en cause. Cela peut créer des frictions car tout le monde n'est pas prêt à réfléchir sur la place qu'il occupe.” (Mathilde Larrère, historienne des mouvements révolutionnaires). On le voit dans les réactions: les levées de bouclier contre la « présomption de culpabilité » des agresseurs et l’incapacité en général des dominants à remettre en question leur hégémonie nous prouvent qu’il faut nous tenir fort·e·s et soudé·e·s.

Le processus de création de la Navire Collective s’essaye à ne pas reproduire des violences subies.

Un refuge où l'on peut se ressourcer sans lutter.

Le processus de création et la diffusion va dans ce sens en s'entourant de partenaire public tel que la Direction Régionale aux Droits des Femmes, ou du secteur médico-social comme les plannings familiaux, pour fournir des outils/ressources de prévention, de prises en charge face aux violences sexistes et/ou sexuelles et en animant des discussions avec les publics en fin de lecture dans un cadre collectif et bienveillant.

La Collective s’implante à Salins-Lès-Bains en Bourgogne Franche-Comté, région dans laquelle vit la majeure partie de cette collective qui regroupe des artistes de toute la France (Nantes, Rennes, Morlaix, Paris, Nancy, Salins-lès-Bains, Dijon, Lyon, Faux-la-Montagne, Marseille). 

Elle est suivie par Culture Action.

*cisgenre: personne s'identifiant au genre qui lui a été assigné à la naissance"